Tijl FIASSE
VARIATIONS SUIVIES
Petites remarques pr�liminaires.
� Je demande en g�n�ral les livres qui usent des sciences, non ceux qui les dressent. � Montaigne
Dans le coin sup�rieur droit, on peut choisir de voir un barbu et un imberbe se disputer les faveurs d�une dame� portant maillot de l��quipe de France ; le num�ro a �t� remplac� par � Comptable Fleurette �. Les r�les respectifs : Hugo, Voltaire et Christine de Pisan. En r�alit�, parler du coin sup�rieur droit n�a aucune esp�ce d�importance ; le fait est qu�il faut savoir que tout le monde qui compte est l� (ou pas l� : Rilke est aux toilettes o� il attend l�inspiration ultime, Claudel, puni pour grossi�ret�, rumine en cuisine).
La toile bouge � ou va bouger � cela d�pend du bon vouloir du voyeur. D�ici peu, la soir�e va commencer.
En consultant le programme � qui remplace le nom du peintre en bas � droite � on peut CHOISIR de lire que les repr�sentations les plus attendues sont au nombre de trois. Inutile de les d�tailler. Disons simplement, pour donner le ton, que, hier, John Cowper Powys a fait un tabac dans son fameux � Grand Show intergalactique �. Il s�agissait de prendre quelqu�un dans l�assistance et de le persuader � un tel point qu�il �tait la r�incarnation du barde Taliessin, qu�il finirait par r�citer ses propres livres en ga�lique. Je me suis laiss� dire que lorsque le coup r�ussit, celui qui applaudit le plus fort est le major Eugen Fohrbach. Toutefois, les jours de grande fatigue, il se voit mettre dehors : � C�est tout de m�me un scandale ! 40 ans que j�suis ici... et JAMAIS personne ne semble vouloir inviter/se prendre pour/simuler HACKL�NDER ! ! �, r�p�te-t-il. Apr�s quoi, on le met au lit.
On ne force personne � regarder : une vaste table accueille ceux qui m�prisent les tours de prestidigitation adolescente au profit de graves d�bats herm�neutiques. Il est d�usage de consid�rer comme le fin du fin, et d�une hauteur hautement gratifiante pour les neurones, d�organiser des rencontres (amicales ! jamais de morts : le jeu n�en vaut pas la chandelle) � sur un texte minutieusement pr�par� � entre deux combattants (ou groupe de) aux techniques d�attaques herm�neutiques diam�tralement oppos�es. Voyez plut�t : ce soir, nous avons, � ma sinistre gauche, le champion toutes cat�gories de la p�che aux �tyms les plus pornodrolatiques, j�ai nomm� : EGON OLMERS, qui a pr�f�r� se mesurer seul� � la frange mod�r�e des ex�g�tes protestants, dont Karl Barth est la figure de prout (pardon : de proue). (Gongora, hilare, chuchote � l�oreille de Thomas Bernhard, qui pointe son nez d�s qu�on parle de cuisine m�taphysique (� l�instar de son grand ami Pierre Bon-Bon)) : � Dodgson est pressenti comme conciliateur... �, sur quoi l�autre, dans une de ses tirades n�vrotico-musicales qui ont fait sa c�l�brit� : � Dodgson ! C�est positivement pervers ! Je venais de me dire, les �crivains � lunettes �tant ce qu�ils sont, � savoir des pervers particuli�rement et positivement pervers, il est tout de m�me invraisemblable qu�on choisisse Dodgson comme conciliateur. Car enfin, Dodgon est un c�libataire ; or, les c�libataires ne font pas de bons jeux de mots, comme on dit. D�ailleurs, me disais-je � l�instant, il est tout de m�me positivement �trange que les �crivains � lunettes se marient, et ce Dodgson n�est tout de m�me jamais qu�un c�libataire de troisi�me ordre, un suiveur, comme on dit, un arriviste, un � � (on n�a pas la fin : on a coup� l��lan du perturbateur par un bon coup de massue).
Quant � A&O, il n�est pas visible ; enfin, pas tout � fait : sa nuque de taureau se profile � l�horizontale d�un �tabli de menuisier, il cherche ses lunettes � quintuple foyer que le bras du nonce apostolique Stanislaus Joyce, emport� par sa tirade sur les bienfaits des op�rations chirurgicales au laser, vient de balancer � terre. On entend marmotter : � Nom de... ! 10 000 sesterces par oeil ! = ? .... : ! ! ! : 5 000 pages de Galsworthmann � traduire en letton ! �
Tout ceci finalement en tant qu�all�gorie au peu de s�rieux dans les affaires qui suivent...
Il est juste qu�on pr�vienne le lecteur de ses propres pr�jug�s de lecture � et avec un finaud comme le Schmidt, c�est la moindre des choses, s�pas.
Donc : 1) � ... la technique de l�anachronisme d�lib�r� et des attributions erron�es. Cette technique, aux applications� infinies, nous invite � parcourir l�Odyss�e comme si elle �tait post�rieure � l�En�ide et le livre Le jardin du centaure, de Mme Henri Bachelier, comme s�il �tait de Mme Henri Bachelier. Cette technique peuple d�aventures les livres les plus paisibles. �, �crit Borges apr�s une conversation des plus palpitantes avec Schmidt au sujet du fait de traiter tous les auteurs du pass�, du pr�sent (et du futur) sub species aeternitas, autrement dit en balan�ant le sablier par-dessus la falaise.
��������� 2) � Tout ce qu�on conna�t, c�est une m�thode admise comme vraie par la communaut� des savants, m�thode qui a aussi l�avantage de rejoindre les techniques fabricatives. Mais cette m�thode est aussi un jeu, tr�s exactement ce qu�on appelle un jeu d�esprit ; Ainsi, la science enti�re, sous sa forme achev�e, se pr�sentera et comme technique et comme jeu, c�est-�-dire tout simplement comme se pr�sente l�autre activit� humaine : l�Art. �, hurle Queneau au caf�, dans une phase � jeu de pens�es (�tendu ou pas, c�est comme on veut) �. Ce qui nous am�ne �
������� 3) � M�me si c�est vrai, c�est faux. � Henri Michaux.
������� 4) La critique litt�raire consid�r�e comme de la haute couture, je me permettrai de piocher � gauche et � droite comme bon me semble, pour me tailler un v�tement pratique et sur mesure. (George Perros dirait moins poliment : � J�aurai bient�t l�air moins con de ne pas avoir lu en son temps Heidegger, Lacan, Marx et tutti quanti �.)
Bon : maintenant que les conditions g�n�rales de la police du jeu qui nous occupe ont �t� donn�es, il est juste de pr�venir que les conditions particuli�res sont en contrep�terie/partie d�une audace et d�une pr�tention proprement inou�es : situer le Schmidt dans la litt�rature europ�enne ; comme le commentateur improvis� que voici a les yeux plus grands que le ventre, il a invit� un certain nombre d�individus, imaginaires ou r�els, � venir traiter de ces vastes choses � sa place. Pour lors, je convie le lecteur bienveillant � une petite sauterie ap�ritive qui donnera la formule de base des dialogues � suivre. Faut-il ajouter que celui-ci ne comporte pas de th�me privil�gi� mais sert d�illustration ?�
Petit dialogue radiosatirique.
Un minuscule atollon corallien plein centre du Pacifique. Nombre d�habitants au Km� : 0,0080454. Autant dire qu�on entend m�me tousser les fourmis. Les chaises de caf� (en bois) de ces messieurs tourn�es direction lagune. 4 bornes artificielles autorisent une (tr�s) jeune et (enti�rement) nue Brook � Hi Boys ! � Shields � effectuer, avec la gr�ce sans graisse qui la caract�rise dans ses meilleurs r�les cin�matographiques, quelques longueurs dans la belle flaque bleu turquoise. Une autre longueur commence � gonfler de vie ce qui sert de pantalon � ces messieurs. Lawrence, en maillot de bain ; Miklos, fard� d�un costume balinais, sue � grosses gouttes ; Pierre � Grabi � Albert, ne sachant o� l�on allait, et quel serait le climat, porte pr�sentement, achet� dans l�avion, le costume 1992 d�Andr� Agassi (pas le rouge, le jaune). Minuscule comit�, donc.
�� MIKLOS (cherchant dans les p�lagiques profondeurs de son costume, en sort un buvard (un parchemin imbib� de transpiration), hi�ratique, se l�ve lentement et, dans le style grande pr�tresse de la nuit, se tourne vers l�Oc�an martel� par l�agressif souleil de 11h15 am (Vous froncez les sorcils ? N�avez jamais entendu parler de l� < agressif souleil de 11h15 ? > Honteux !)) : � ? ? ? , parce que� �
�� LAWRENCE (hilare, un cheveu sur la langue) : � Oh, ma�tresse ! �
�� MIKLOS : � Silence Nabot ! Oh ! Oc�an ! Accepte en offrande nos modestes vocables prosa�ques ici � toi d�di�s au nom de celui dont nous nous entretiendrons ; car celui-l� porte la toge hans�atique et passe pour ma�tre �s choses de lettres ! � (Se tournant vers ses semblables, en v�rit� il leur dit ) : � Prions mes fr�res pour celui qui, tel Alcyon livr� � sa m�lancolique m�ditation, d�daigne la vie. Oh Mystique ! Et toi Folie ! Gadgets mis�rables �tes et serez ! Bricoles d�risoires semblables � ces clowns b�n�voles, que la morale d��tat et la grande patience des Dieux � en soient-ils ici remerci�s ! � autorisent � ponctuer de leurs fac�ties les grandes fun�railles ! Laissez moi commencer une plus grande et profonde et �nigmatique parole ! � (Se tournant vers ses disciples) : � Et icelui, dont je vous renseigne, voy... �
�� GRABI (pontifiant) : � ...ait comme dans un miroir obscur ! � (Voix d�enfant r�citant une scie) � mais � ( se l�ve puis se rassied) :
� depuis qu�il a ses lunettes � double foyer
que de belles dans les revues � contempler ! �
�� MIKLOS (imperturbable) : � � voy........ � (besoin d�une pirouette pour se rattraper ! !) � ..... l� (ouf !) quel est son sceau verbal : in prima analysi : histrio ! Que les Dieux acceptent ce mot blasph�matoire ! Pour lors, la noblesse de cette forme de vieillesse est telle que Dame Beaut� s�y marie � Dame Intelligence ! Oh Arneaux le Forgeron ! Romantique prOEsecteur de cadavres, corbeau esth�te ! Mieux : pleureuse b�n�vole ! �
�� LAWRENCE (vu la lenteur du c�r�monial, d�j� fin saoul, p�chant dans sa m�moire) : � Do Poor Tom some charity, whom the foul fiend vexes... �
�� MIKLOS (re-imperturbable) : � � la vue de l��pouvantable com�die que joue l�humanit�, oh Arneaux le Forgeron ! puisse le peuple du Saint Empire Romain Germanique t�moigner... �
�� GRABI (faussement extatique) : � Les Esprits de la lande du Lunebourg t�moigneront ! �
�� MIKLOS (rrrrrre-imperturbable ( Grrr !)) : � ...de ta non moins sainte Col�re ! Vieillesse superbe que celle-l� : cette perp�tuelle mise en accusation, ce spectaculaire d�dain, cette jungle africaine d�Afrique de portraits qui rappelle infailliblement les fa�ades charg�es de statues des cath�drales ! � ( Se tourne verse Grabi et le fixe d�un regard de d�ment) : � Ne t�y trompe pas, oh, adorateur du Soleil ! Ses fa�ades � lui ne sont en rien les tiennes ! �
�� LAWRENCE (bien arrang� mais toujours arm� de sa l�gendaire vivacit� d�esprit, chantonne) : � Le soleil a rendez-vous avec la lune �
�� MIKLOS : � Fa�ades la�ques, n�gatives, lunaires, d�moniaques, que les siennes, o� s�alignent de tragiques pantins ! Allez, stop ! Pause ! Suffit... Enfin... Rassemblons les troupes. Grabi, y sommes-nous ? Lo, finissez mon gar�on ! Allez piquer une t�te pour cuver tranquille ! �( Ob�issant, ce dernier s�ex�cute, revient au pas de course en chantonnant : Parlez-moi d�Annabella Lee, La poufiasse du Tennessee).
�� MIKLOS :� � Vrai, mon gar�on ! Commen�ons les hostilit�s� � (S��claircit la voix ) : � Comme vous le savez sans doute, notre homme poss�de deux jeunesses, si l�on peut dire, une (tr�s malheureuse) � Hambourg, une autre assez heureuse en Sil�sie. Ainsi, comme ce Holta�, merde, je voulais dire : Holger Czukay et le dernier Nobel allemand, notre auteur vient d�une r�gion disparue... �
�� GRABI : � ... Pourtant, il aura la perversit� de confier le r�cit de ses souvenirs heureux au personnage le moins rago�tant de son oeuvre, le bibliopervers p�p�re... �
�� MIKLOS : � Effectivement. Arneaux se r�v�le, au fur et � mesure de son parcours, de plus en plus pervers... mais continuons... Ouvrons une parenth�se � bon march� : les psychanalystes au petit pied auront �norm�ment de travail avec le P�RE du h�ros du jour � un homme dont le credo �tait < Au nom du schnaps et du con > - qui conforte � lui tout seul l�image mythique d�une Allemagne infest�e de fonctionnaires lubriques. Y verrait-on la cause de son refus visc�ral de l�autorit� et, parall�lement, son obsession de se trouver des ma�tres en litt�rature ? Je ne contredirai pas le biographe futur... �
�� LO : � Quoi qu�il s�agisse d�une interpr�tation kitschissime. Rappelons-nous� que le mot < freudisme > �tait � notre �poque tout aussi passe-partout et vide de sens qu�aujourd�hui le terme < zen >. J�avais bien pr�venu Miller, en vain h�l�s, de se m�fier de ces charlatans on ze Road. Toute cette jeunesse aurait bien besoin de quelques... Tu disais ? �
�� GRABI (brusquement) : � Excusez-moi, messieurs... c�est que, vous comprendrez que la biographie d�un auteur m�importe peu. � vrai dire, une biographie id�ale ne devrait comporter que ce qui a constitu� le mat�riau de l��uvre future : impressions et relations d�hypoth�tiques voyages, souvenirs de lectures, etc. �
�� LO : � Sans doute, sans doute... � (m�ditatif, puis espi�gle) : � Les lectures de notre gaillard sont des plus grotesques ! Cela laisse des traces ind�l�biles sur le psychisme. Imaginez ceci : un homme qui �pluche les patates avec sa femme le jour, r�ve d�aller courir � poil dans les bois avec des louves nubiles la nuit... D�un c�t� l�idylle bourgeoise dans ce qu�elle a de plus mielleuse : vivre dans une �le enchant�e, entour�e de femmes nymphomanes ET intelligentes ; de l�autre, l�enclume satirique de Vulcain dans ce qu�il a de plus sonore ! �
�� GRABI : � Vous voyez ! Certaines lectures pervertissent ! Finalement, je retire ce que j�ai dit � propos de la biographie : mieux vaut ne rien savoir du tout ! Croyez-moi. Veut-on des phantasmes scatologiques ? Nous avons Joyce ; du voyeurisme zoophile ? Sonnez chez Proust ! ; du sadisme zoophile ? Demandez au singe de Swinburne ! De la p�dophilie-mais-j�ose-pas-y-toucher-quand-m�me-je-ne-fais-que-des-photos ? Carroll Non de Pieu ! D�go�tant. Non-non-non : les �uvres, un point c�est tout. �
�� Miklos : � Ma grande compassion catholico-burlesque propose ceci : n�en sommes-nous pas tous l�, Lo ? Je me souviens avoir �crit au d�but des ann�es 40 une confession d�un auteur de 3000 ans � une d�esse qui comportait : < C�est dans un degr� d��volution beaucoup plus p�nible que je suis moi-m�me tomb� : celui du petit-bourgeois qui, se dorlotant avec des r�flexions, des po�mes et des pseudo-opus, essaie d�employer aussi sa vie, ses actes, son monde de pens�e, pour rattraper toute cette audace, cette anarchie imaginaire, ces allures de grand seigneur et cette libert� qu�il avait v�cues dans son cerveau, sur un terrain intellectuel. C�est � ce moment-l� que vient la lutte sans merci ; le petit-bourgeois sent que c�est un plus grand martyre encore d�accepter dans la vie cette mentalit� petite-bourgeoise qu�il ne repr�sente que dans ses pens�es, mais, par honte d�avouer sa perte sous les murs �trangers des femmes, de la mondanit� et de la politique, il continue � forcer les choses, devient IMMENS�MENT SUSCEPTIBLE, se venge avec un SADISME PATHOLOGIQUE des clairvoyants qui ont devin� sous son masque d�anti-petit-bourgeois un PAQUET DE NERFS ultra-petit-bourgeois geignant apr�s sa maman : il a des crises affreuses d�AUTO-IRONIE, qu�il rend insupportables avec des M�GALOMANIES : r�p�tant un stade ant�rieur, il se retrouve � un carrefour qui fait d�pendre des �l�ments chimiques pr�curseurs du logos dans le cerveau, soit qu�il devient BANAL NUM�RO SCHIZOPHR�NE, soit que, utilisant sa grande sensibilit� proust-raffin�e de d�sillusion et sa richesse r�flexe de sophistication, il canalise sa maladie d�une fa�on ou d�une autre pour en obtenir UN PAV� DE 5000 PAGES ET 2 DE PLUS DE 1000 ! > �.
�� GRABI (calculant ) : � Ce qui nous fait plus de 7000 pages d�une grande densit� en 12-13 ans ! Incroyable ! Moi aussi j�ai �cris un livre de fiction de 725000 mots mais �a m�a demand� 50 ans de travail tr�s d�tendu. Notre homme serait-il un fou litt�raire ? Un polygraphe d�ment ? �
�� LO : � Pas le moins du monde. Ceci s�appelle un travailleur, c�est tout. Si on comptabilisait toutes les heures perdues par bon nombre de nos semblables au caf�... Certains, tel ce (Questubois ?) Brian O Nuallain (ou comme on voudra), ont jet� leur carri�re aux quatre vents (Guinness !) en passant leur vie � discutailler de la conjonction par le fondement d�un mouton par une bicyclette ( Tavernier, renouvelez !). Quelle piti� ! �
�� GRABI (se tournant vers Miklos) : � Dis donc, monsieur le professeur, � (Brooke sort de l�eau.) � vous n�allez pas un peu trop loin � (se rapproche en souriant de toutes ses gencives � Lo) � avec votre (jaloux, celui-ci ?) scolastique proustiade � la sauce goulasch-marxiste ? �
�� MIKLOS : � Pas le moins du monde, comme dit monsieur Hellas. Je me r�sume : on s�occupe de mots comme de microbes. Mais on ne se soigne JAMAIS ! �
�� Monsieur LO (sortant de sa r�verie) : � Oui, je n�ai entendu que la fin mais ok, �a me pla�t. Tiens, j��tais justement en train de mettre c�te � c�te deux visions compl�mentaires (dont la cause serait le mot < pucelle >, suscit� � son tour par < Ruisselle > ?) : Edgar �crivant ses contes n�crophiles, sa pucelle de 14 ans � ses c�t�s ; Arneaux, tel une pucelle, mieux : une MATRONE EN CHALEUR, d�couvrant Joyce � plus de 40 ans et le d�fendant comme une gouvernante hyst�rique CONTRE toute l�Allemagne. �
�� MIKLOS (d�sireux de mettre un terme �) : � Il y a effectivement quelque chose de path�tique dans le fait de jouer la VIERGE FOLLE avec un auteur qu�on d�couvre bien apr�s l�adolescence... Soit. Mais ceci rejoint l�esprit potache du sieur... �
�� LO : � Pour moi, les esprits potache, je n�ai jamais pu les souffrir ; et chacun sait que la passion du jeu de mots est l�alibi honteux des impuissants... �
�� GRABI : � Vous n�allez pas un peu... Ne croyez-vous pas que... enfin, apr�s tout, il s�agit d�un tr�s grand auteur, non ? N�est-ce pas une preuve d�enthousiasme que de pouvoir encore avoir le plaisir de la d�couverte � cet �ge avanc� ? �
�� LO : � Pour la deuxi�me question, c�est non. Ah, Brooke ! Approchez, mon petit. �
�� MIKLOS : � C�est parce que nous avons affaire � un grand porteur de plume que nous nous permettons de mettre en valeur ses d�fauts. Quand on a cette carrure, on supporte ais�ment les critiques de moucherons. Tenez : vous, par exemple, Grabi. Vous n��tes pas loin du tr�s grand auteur, mais on ne vous reconna�tra jamais en France ; pour des raisons d�solantes, d�ailleurs. Lo, lui, aimait trop nager dans la mer et paresser au soleil. � (S�adressant � lui) : � Vous n�y avez jamais cru, hein ? �.
LO (accent de bouseux du Wisconsin) : � Comme tu dis, Joe. �
�� �� MIKLOS : � Quand � moi, j�ai beau �tre le plus catholique des pornographes et le plus cultiv�s des catholiques, j��tais trop occup� par mes innombrables ma�tresses et mes probl�mes th�ologiques pour �tre int�ress� durablement par l�ambition frivole de < faire une �uvre >��
�� LO : � Mm. Touchant. Brooke, quel est le menu ? Voil� qu�il est d�j� pr�s de midi moins quart� ici. L�heure de ... l�ap�ritif ! �
�� GRABI : � Dans ce cas, reportons ce plaisant entretien � cette apr�s-midi ? On reprend apr�s la sieste ? �
�� MIKLOS : � 14h ? �
�� LO : � Mm. �
�� PAUSE
MIKLOS et GRABI allong�s sur le sable � dig�rent � en regardant d�filer les nuages.Arriv�s � l�autre bout de l��le (p�rim�tre : 1, 4 Km),�LO et BROOKE optent pour une digestion � tour du propri�taire �.�Ambiance digressive.
MIKLOS : � Qu�est ce que c��tait que toute cette hystoire � propaud de sandouichs ? ? ? Non mais sans blagues ! Est-il vraiment vex� ? � GRABI (Nourrice) : � Et oui, la susceptibilit� des gendelettres peut se r�veiller m�me pour un vulgaire sandwich au p�t� cr�me. � (Soupir) � Et dire qu�il a pris notre mascotte f�minine avec lui ! � MIKLOS (furieux puis sentimental comme qui se souvient d�une terreur d�enfance) : � Quand il aura entendu la voix du vieux Flint� � GRABI : � Ne prononcez pas ce nom, bougre !� (Inquiet) � Euh, Mikki�Au fond, que sommes-nous cens�s faire ici ? Je veux dire�. � MIKLOS (emport� ; dans son �l�ment) : � Nous sommes en repr�sentation ! Autrement dit, je me sens comme un poisson dans l�eau�Si �a me g�ne ? Pas le moins du monde ! Vous aurez sans doute remarqu� que le metteur en sc�ne pioche all�grement dans mes �uvres, corrige, rajoute, �lague, rature, et autres joyeuset�s, pour me faire passer pour un vulgaire pastiche de ma propre personne ! ! ! Et vous savez quoi, Grabi ? J�adore �a ! � (Etonn�) � M�enfin quoi ? � voir votre bobine, on dirait que nous sommes �chou�s tels des baleines sur une �le ensorcel�e ! Du nerf, que diable ! � (Farceur) : � �tention ! John Dee arm� de son tuba nous surveille de sous le corail ! � GRABI (Piteusement) : � Je sais Mikki, mais... si jamais ce Arno Schmint...� MIKLOS : � Il n�y a pas de mais ! Maintenant on se reprend, mon gar�on ! Cessez de confondre la r�alit� et la fiction, mon bon ! Arneaux n�est ni un hollandais volant ou Dieu sait quelle autre Prospero d�op�rette ! D�ailleurs, les histoires de pirates me font b�iller d�ennui. Et puis arr�tez de m�appeler Mikki ! Suis-je un Japonais, Grabi ? Je n�en ai pas souvenance ; alors appelez-moi par le pr�nom que m�a donn� ma m�re !... Encore une chose : dites-vous bien que tous les cannibales fant�mes de l��le se pr�senteraient-ils que vous seriez d�fendus par mon catholicisme d�cadent ! Totalement herm�tique aux robinsonnades gothiques je suis ! � GRABI : � Mikki, dis ? P�t�t que t�es verbalement violent avec moi parce que la fille elle est plus l� ? � MIKLOS : � �a n�a rien �... ( ! ! !) <la fille> ? ! ! Une actrice de tout premier ordre, que dis-je : une �toile sur le d�clin, mieux encore : une V�nus rachityge, une... � GRABI (L�interrompant) : � Ne sommes-nous pas cens�s discutailler de Schmint et de ses lectures ? � MIKLOs : � Minute, je dig�re. � 14 tapantes que nous avons d�cr�t� ! � (On voit appara�tre une ampoule �lectrique au-dessus de sa t�te. Faisons un psychodrame ! Un petit jeu <terreur Flint> germe� dans son cerveau d�cadent) : � Bonsanmaiss�biens�r ! Fallait le dire tout de suite ! � (Eclate d�un rire machiav�lique, puis comme s�adressant � un enfant) � Alors li piti Pierre-li-Disloqu� a peur di Ha ! Ha ! Jahnn, hein ? � GRABI (En culottes courtes, le front bas) : � Ben ouich. J�avais jamais lu et puis ce midi je me suis dit tiens Grabi c�est l�occasion r�v�e d�aller lire un peu ce Jahnn dont qu�ils parlent tous tellement puis le Schmint qui l�aimait ben aussi puis comme que tu te disputais pour le p�t� cr�me avec Lo et Brooke je me suis dit c�est le moment et j�ai lu en diagonale deux trois bricoles de ce monsieur Jahnn et je suis peut-�tre un peu long m�enfin tout �a c�est pour dire que �a m�a fichu un sale coup et je rajoute que je suis bon pour une d�pression nerveuse et pire dingue que le li�vre de Mars �. MIKLOS (Ma�tre victorien, s�v�re) : � Ceci ne m��tonne qu�� moiti� venant de vous, mauvais �l�ment que vous �tes ! Apr�s tout, avec votre �me d�enfant, vous avez travers� le si�cle comme un imb�cile heureux. Mon pauvre enfant, vous n�avez m�me jamais voulu remarquer � quel point vos compagnons de jeu se bidonnaient � vous voir... � (Le regarde droit dans les yeux) : � Pierre Albert Henri de Gribanoulard fils de Jeanne et Edouard de Gribanoulard, cessez les larmes instamment ! � (Prend un air s�rieux comme on ne l�a jamais vu) � Il importe de dire � et ici il y va de la sant� de nos enfants - qu�aucun adolescent ne PEUT lire l��uvre de Jahnn ; il en ressortirait totalement bris� � et ici je sens cruellement que des accents par trop vibrants...� Ce Jahnn... ce Jahnn... � (Sombre dans une m�lancolie vaguement catatonique, puis se fait violence, et marmonne � part lui) � Apr�s tout, qu�ais-je � faire de ce proutestant bisexuellement constructeur de pyramides verbales ? Tout de m�me, tout de m�me... Grabi... Je crois qu�il... Avez-vous l��dition compl�te ici de son gros roman ? � GRABI (Enter the servant) : � Certes oui, Monsieur. Si Monsieur veut bien se donner la peine... � MIKLOS : (Comme Holmes s�adressant � Watson au coin du feu) � Mon cher Grabi, votre paganisme solaire et mon orthodoxie thomiste ne seront pas de trop pour contenir le fleuve sans rives, croyez-moi mon ami ! � GRABI : � Oui, m�sieur. � (Terroris�) � Veux-tu que nous lisions ce Jahnn ? Es-tu fou ? � MIKLOS : � Je crains que oui. Enfin non...je ne suis pas fou ! Il y va de l�int�r�t de la science, mon cher Grabi ! Il est essentiel pour les g�n�rations futures... Ah ! Vous voil� ! Pile poil l�heure ! Bien. |
LO : � �Ainsi donc, ch�re amie, votre premier fianc� �tait Terence Lagrange� Ces diables de Texans ! � (Pensif) � Je vous vengerais si j�en avais les moyens � �
BROOKE : (Lui saute au cou) : � Vous feriez �a ? ! ? � LO (Du calme, mon enfant ! Frimeur) : � Mon gauche n�est plus aussi performant que dans le temps mais... Avez-vous entendu ce bruit ?... Bah, ce sera un perroquet ; ces contr�es regorgent d�animaux fabuleux. � (S�anime) � ! �
BROOKE : � Que se passe-t-il mon bien aim� ? � LO : � Rien. Savez-vous... Ces MIKLOS et ARNEAUX sont tout de m�me de tristes sires, des gens qu�il vaut mieux pour vous ne pas fr�quenter. Leur cervelle est telle un palimpseste. Incapables de profiter du moment pr�sent, il faut constamment qu�ils la ram�nent avec leurs souvenirs de lectures et leurs allusions obscures et, si je puis me permettre, souvent obsc�nes.�
BROOKE : � Vous voulez dire, mon aim� : du genre � discuter de l�existence des licornes... � LO (F�ch�) : � Vous n�allez pas vous y mettre aussi, hein ! � (Prend un air sup�rieur) � Ils me rappellent, mon ange, ces curieux bonshommes forts en th�me que tout le monde a un jour ou l�autre rencontr�s sur les bancs de l��cole. Une intelligence sup�rieure, je le conc�de, mais, mais, mais, mon amie : � faire des <blagues> du type voler le stylo du voisin, remplir le cartable des petits camarades de flotte, s��touffer de rigolade folle furieuse en susurrant < pipi > et < k�kette > ; et, lorsqu�une fille punie (qui se fera � soyez-en s�re ! � bient�t virer de l��cole pour < petite prostitution >) doit s�asseoir � leurs c�t�s (Pq ? Ils en ont plusieurs ?) en classe, voil� que, Steamboat humains !, ils se mettent � souffler plus fort que Dieu sait quelle baleine dont aucun homme ait jamais eu la vision en se frottant leurs mains sur le pantabroek� �
BROOKE : � Ces pauvres �tres m�ritent tout de m�me notre piti�, non ? �
LO : � Peut-�tre. N�emp�che qu�� leur �ge j��tais d�j� dr�lement d�lur� ET CHAMPION INTER-LYC�ES DE CROQUET par-dessus le march� ; pendant que ces bigleux bavaient en lisant <Imago> de Spitteler ou Dieu sait quelle autre fadaise juste bonne � vous ramollir le cerveau !� BROOKE (L�index sur la l�vre inf�rieure, les yeux au ciel, < comme qui songe profond�ment >) : � Dites mon amour, pardonescuuss de vous d�ranger dans l��laboraze & construxion de paroles si jolies mais, ce matin, vous et vos vilains amis avez parl� d�Arnie, non ? � LO (Accent de bouseux du Wisconsin. Sa contrefa�on pr�f�r�e !) : � Ouais, m�ame. C�est l�sujet du jour, � c�que ch�crois qu�on m�a dit, m�ame. (Commentaire du grand critique Henri Bon-Bon : < Fameux > !) C�est-y qu��a choquerait les chast-z-oreilles� d� la p�tite dame ? � (Non, visiblement. Tout � coup charmeur) � C�est que � et �a i faut l�savoir ! � avec Pete et Mike, on aime ben d�faire un brin d�causette (< Mieux que Forkn�re, ma parole ! >) ent-z-hommes comme �a � se payer une franche tranche d�rigolade sur les intellos-pinc�s-d�-quequpart-mais-j�-dirai-pas-o�-sauf-vot�-respect (< On s�y croirait dans cette r�gion ! Un talent vertigineux ! >) qui croyent que les rednecks �a sait pas lire, pour s�r, m�ame. Et �a i faut l�savoir, que j�y dis moi que j�rajoute pour �t� complet comme une encycop�di� (< Mmm, avec un soup�on de Caldwell dans les voyelles ! >) qu�javons vu une fois � la grand�ville. BROOKE (< On m�a rendu mon Terence >) : � Mon h�ros ! (Change brusquement d�humeur. Dans un geste d��nervement, envoie une vol�e de sable dans la figure de Lo) � Oh, commencez � m�gonfler avec vos jeux d�th��tre ! � LO, a�rien et �l�gant, choisissant ce moment propice pour passer � l�action, se ventouse sa bouche sur la sienne.
(BROOKE, consultant du coin de l��il sa montre < Roland-Garros 1992 Edition >) : � Mais il est d�j� 54 ! Tu devais... � LO : � Chhut ! � Un petit temps. BROOKE : � Vraiment ? Vous croyez qu�ils... ?�
TERENCE : �S�r et certain ! Ils n�ont plus <ce que vous savez> depuis... ouf ! une �ternit� !� Vous pariez combien que vous serez forc�e, mon ange, de... Mais : Chhut ! Voil� nos deux imb�ciles !... Avez-vous fait fi�re ripaille, messieurs ?� |
�� MIKLOS (morose) : �Passablement, jeune voyou !� (En belle humeur) : �Apr�s ces r�cr�ations � ma foi fort instructives � si nous passions aux <joyeux devis>?�
�� GRABI (L�g�rement �cumant): �On vous a vus...�
�� LO: �Nous aussi! Miklos? Quel �tait ce cirque? Encore une de vos mascarades perversement transylvaniennes? Une nouvelle mouture de <Ma vie secr�te> racont�e aux grabizenfants?�
�� MIKLOS (Fixe un point � l�horizon): �Il est un fait certain que nous r�p�tions une tentative de psychodrame dont le MOT... Mais, commen�ons! Brooke, vous allez vous ennuyer, mon petit; si vous alliez encore un peu nager, vous serez gentille... (Miklos, qui terrifie manifestement la petite B.B. la regarde d�un air satisfait s��lancer vers sa piscine vertement construite. � nouveau, s��claircit la voix (�Le signal! Le signal!�): �Notre homme � entendez le prOEsecteur de cadavres en chef � poss�de, comme vous le savez tous deux, un esprit diaboliquement rapide;� (Des exemples? C�est possible.) �L�Allemagne est en manque de mystique? Que nenni! Regardez seulement le paysan brandir sa patate au ciel en apostrophant le dieu des r�coltes. Le tuyau d�arrosage? S�rement invent� par le matelot No�! Quelqu�un s�exprimera-t-il de fa�on pour ainsi dire violente que nous nous rem�morerons le l�gendaire parler de Sparte!���
�� LO (� L� je le tiens, le Schmidt ! �) : �A propos de Sparte � et puisque nous en sommes revenus au style soutenu � je voudrais pr�ciser � sans offense ! � qu�il y aurait beaucoup � dire sur les curieuses bourdes que commet cet auteur lorsqu�il se m�le d�histoire antique. Ainsi... Ne m�interrompez pas, Miklos ! Apr�s vous allez encore vous plaindre de mon manque chronique d�esprit de s�rieux ! Bon, je disais donc � ou plut�t, je raccourcis ce que je allaisidisaisdonc dire : Wieland lui a tellement tourn� la t�te � nous en connaissons chez nous qui font pareil avec Keats � qu�il en est arriv� � une vision manich�enne tout � fait irrecevable et indigne de l�antiquit� : Barbares et Vikings : pas bien ; Grecs : bien !�
�� MIKLOS (Ennuy�) : �Oui, mais...�
�� LO : �Je sais, monsieur le ma�tre de c�r�monie, vous avez pr�vu autre chose ! Permettez seulement que je pose une petite question � Grabi ? Trop aimable. � (Lui aussi : s��claircit la voix) : �Pierre, savez-vous o� la plupart des grandes puissances de l�Antiquit� allaient chercher leurs soldats les plus sanguinaires et les plus �pres au gain ? Non ? Pour votre gouverne et celle de tous ceux qui id�alisent le miracle grec, sachez que les Grecs sont LES mercenaires de l�Antiquit�. Point. Je n�ai rien d�autre � ajouter. Ah, ah ! Surpris, hein ?���
�� GRABI : �Je... Vous... Merde � la fin, Lawrence, vous avez jet� un froid !� (Bon enfant) : �Moi qui me faisais une joie de...�
�� MIKLOS : �Nous y venons, nous y venons ! Lo, je m�explique : nous avons, le charmant na�f fran�ais et moi-m�me, esquiss�, comme je le mentionnai il y a quelques instants, une sorte de psychodrame pour nous pr�parer � aborder le sujet de cet apr�s-midi, qui est, comme vous avez pu le lire dans le petit mot que j�ai gliss� sur votre plateau-repas dans l�avion, une tentative de d�broussaillage de la lecture <identification>...��
�� GRABI ( Uggug. Excit� comme une puce : � Moi, m�sieur ! Moi, ch�ai la r�ponse ! �) : �dont l�all�gorie la plus fameuse est le major Eugen Fohrbach ! D�ailleurs, m�sieur : Fischart est mort � Forbach et est Alsacien ! En outre : Alain Baschung, qui a �crit une chanson <Herr Major> est �� bizarre, hein ? � aussi Alsacien ! Donc, CQFD: tous les Alsaciens sont passionn�s par l�artillerie !... Euh... j�ai combien, m�sieur ? �
�� LO ( �Qu�est-ce qu�on s�amuse�) : �Ma�tre Miklos �tant aussi imp�n�trable qu�un j�suite portugais, tu le verras bien quand on appellera ta m�re le jour du bulletin !���
�� MIKLOS (Rajuste son costume balinais) : �Vous savez que point hostile � une d�tente interclasse je ne suis... Cela �tant, reprenons ! Et avec un peu de tenue, messieurs ! Et vous �l�ve Lawrence, cessez de lorgner sur le p�ch� potentiel qui se tr�mousse dans l�eau !� (Dieu sait comment, Miklos a pris froid. Donc : s��claircit la voix) : �El�ve Grabi ! Votre r�ponse ferait rougir un structuraliste de haute vol�e ! Excellent ! Pourriez-vous continuer sur votre... Minute ! Nous avons un probl�me d��dition dans cette classe linguistiquement mixte... Je crois savoir que vous avez pass� le dernier tiers de votre existence en France, LO. Et vous, Grabi, je suppose que comme tous les Fran�ais � Ah, la France ! Fille a�n�e de l�Eglise ! � vous �tes effront�ment unilingue ?�
�� GRABI (encore une fois, cette fois-ci pour de bon : front bas) : �C�est que... ben, oui ?� (Vex�) : �C�est autoris�, il me semble !�
�� MIKLOS : �Ben, voyons ! Dans ce cas, prenez votre <Soir bord� d�or> de poche, les enfants.� (Didactique : �L��cole �ternelle a besoin de sous !�) : �Et vous direz � votre tonton ou tata qu�il est toutefois indispensable qu�il ou elle vous ach�te pour No�l un exemplaire familial de <Abend mit Goldrand> et� <Evening Edged in Gold >.�
�� GRABI (Pleurniche) : �Je l�ai pas avec moi...���
�� LO (�Tra la la ! ! !�. Triomphalement ) : �Moi j�ai le mien !�
�� GRABI (S��nerve. La morve au nez.) : �D�abord il y en pas de livres qui portent ce titre-l� qui sont en poche parce que je sais j�ai cherch� et puis si je l�ai pas amen� avec c�est parce que MOI AU MOINS j�ai pens� � mon casse-cro�te et que c�est s�rement pas � moi que �a risquerait d�arriver que je m�engueule pour un p�t� cr�me oubli� dans l�avion parce que je suis un esprit PRATIQUE moi que je dis na.���
�� MIKLOS : �La science m�rite des sacrifices, jeune homme !� (Malicieux) : �Qu�est-ce que �a aurait �t� si la le�on du jour avait port� sur <Zettels Tra�m>, mm ? Seriez venu � poil PAR ESPRIT PRATIQUE, mm ? Comme un sauvage, mm ?� (Soupir) : �Soit. Vous regarderez dans l�exemplaire de Lo. Et pour votre punition, vous vous appellerez d�sormais Uggug, et ceci le temps de la classe !�
�� GRABI (Bless� dans son amour-propre) : � N�exag�re pas, Mikki ! Tout le monde pourra t�moigner (�LES ESPRITS DE LA LANDE DU LUNEBOURG TEMOIGNERONT !� ?) de ce que je ne suis pas du tout col mont� et premier de classe t�te � claque comme vous deux qui d�ailleurs faisez rien que m�emb�ter c�est vraiment injuste et j�arr�te le jeu���
�� MIKLOS : �Tout doux, M�dor. Je me suis peut-�tre un peu emport�...� (Reprend en ma�tre victorien) : �Il n�emp�che que vous allez �tre sage comme une image � pr�sent, n�est-ce pas ? Sinon, l�AUTRE PROFESSEUR (�HA ! HA ! JAHNN� ?) viendra vous corriger ! Bien... ( ! ! !) Nom de ! El�ve Law-Rence, pour la derni�re fois : c�est ICI que cela se d�roule ! Si vous �tes encore une fois surpris � reluquer la nymphomane du bassin aquatique, je vous fais sortir ! Est-ce diaphane ?�
�� LO (Faci�s de s�nile pr�coce) : �H�, h�...� (Subitement) : �C�que tu peux �tre con comme m�me,� MIKKI !� (Fou rire des deux �l�ves, qui hurlent simultan�ment) : �Parce qu�il n�y a pas de porte, voyez !���
�� MIKLOS (Dignit� avant tout !) : �Nous en prenons bonne note ! Bien. O� en �t.. ?... Ah, oui : mon petit Grabi, pouvez-vous donc continuer sur votre lanc�e et me dire sur quel texte th�orique nous pouvons nous baser pour examiner le major EUGEN ?�
�� GRABI (The Servant) : �Mais certainement, Monsieur. Si Monsieur veut bien se reporter au texte <Calculs II>, il pourra, s�il le souhaite n�anmoins, constater que le Major appartient au type de l��ternel m�content, comme nous l�avions d�couvert ensemble avant les examens de P�ques. Pour moi, je dirais que, sauf erreur de ma part, relativement � cette nomenclature, le Major est, sur l��chelle de richture, un degr� au-dessus d�Olmers ; quoique � faut-il le rappeler ? �, les trois types en question correspondent aux diff�rentes tendances qui cohabitent en chacun de nous, comme vous avez eu la bont� de nous le faire remarquer dans le cours du 14 novembre. Ainsi, nous pourrions dire qu�Olmers en est rest� au stade d�une lecture consid�r�e comme une chasse grossi�re au plaisir ; et comme ce personnage tente malgr� tout de s��lever au niveau d�A&O et EUGEN, il intellectualise sa m�prisable tendance. Il existe d�ailleurs UNE SEULE remarque cinglante d�A&O vers la fin du <Soir bord� D�Or> qui conforte ma th�se � que vous irez chercher vous-m�me bordel de merde je vais pas faire tout le boulot non plus ! De sorte que j�ose esp�rer ne pas trop m�avancer en arguant qu�A&O pr�f�re de tr�s loin la compagnie d�EUGEN � celle d�Olmers, dont, je le rappelle, le d�part grotesque avec la troupe de Babilonia � la fin n�est qu�une cons�quence naturelle de sa personnalit� navrante.���
�� SHLO (Jaloux) : �C�est du Major que le professeur te demande de causer ; pas du biblioth�caire !�
�� SHABI : � J�y viens. Donc ce Major, �tant domin� par son sur-moi...���
�� SHLO (L�interrompt) : � Moi il me fait penser � ces militaires en retraite aigris qui, ayant rat� la bataille de leur vie de peu, finissent pitoyablement par entrechoquer des soldats de plombs (�Pif ! Paf ! Pouf ! Dans la gueule, Patton ! Racatacatac !�) dans une pi�ce insonoris�e aux rideaux tir�s... (? ? ?)�
�� MIKLOYCE (R�alisateur) : �Allez-y, les enfants ! Ne faites pas attention � moi ! Bon tout �a, tr�s bon !���
�� SHABI (�O.K., patron�) : �Il importe de dire que c�est bien le Major qui correspond au lecteur-identificateur et non Olmers ! Tr�s important ! Rest� au stade de l�amibe, Olmers lirait ou s�identifierait � n�importe quoi : mousquetaire, pot en fer, pirate... (Euh ? Inquiet : �D�AILLEURS, LES HISTOIRES DE PIRATES ME FONT BAILLER D�ENNUI.� Va pas �t� content, l�patron !�), je disais donc : corsaire, pour satisfaire ses besoins primaires ; alors qu�EUGEN, angoiss� par ses m�ditations sur l��chec de sa propre vie � qu�il met au jour par une logorrh�e �pouvoir fort� (�Si ce James Joyce venait me voir, je puis vous assurer que j�en aviserais PERSONNELLEMENT l�Empereur de l�Univers ; dans l�attente des troupes imp�riales, je ligoterais le saligaud et le mettrais en joue avec ma chevrotine mod�le <Hacklander>, qui m�a d�ailleurs servi en 1944. Tiens, cela me rappelle � N�y avait-il pas un peintre de ce nom � la cour de X ? � ceci : nous �tions en embuscade �..., lorsque le colonel Des Entrayes...�) � est capable de canaliser ses frustrations et de rechercher un baume sado-masochiste en s�identifiant � des auteurs qui lui paraissent lui correspondre.�
�� SHLO (Chateaubrianis�/blas�) : �Le principe est connu et vieux comme le monde. Regardez ces adolescents qui lisent Dosto�evski dans le but de �percer le secret de l�univers�, alors que nous vivons dans une passoire ! Cette attitude d�identiputr�faction se retrouve � intellectualis�e � un point �c�urant d�hypocrisie � chez maints professeurs d�universit� :� -Vous �tes un alcoolique, monsieur le professeur ! - Pas le moins de monde, jeune homme ! J�approfondis la psych� de Malcolm Lowry au b�n�fice de la science, un point c�est tout !�
Et puis, quand on pense �... ( ? ? ?) Miklos ? Qu�avez-vous ?�
�� MIKLOS (Bl�me) : �Je... Ce n�est rien... Je me suis senti... Comment dire ?...� (S��claircit la voix ; regard de d�ment) : �Vous allez rire !... C�est que...depuis plusieurs minutes d�j�, je me sens irr�sistiblement attir� par le sable...ce sable... Il... Comment dire ?� (Se l�ve pr�cipitamment, s�agrippe � Grabi) : �Le sable me parle, comprenez-vous ? COMPRENEZ-VOUS ? Je d�veloppe pr�sentement une forme de communication privil�gi�e avec le sable de cette plage... Entendez-vous, malheureux ? Il me PARLE...il... Est-ce l� la fin ? Qui va me donner l�extr�me-onction ?...�
�� GRABI (Paniqu�, � Lo) : � C�est la folie !... Serait-ce le costume qui... Que devons-nous... Je ne pense pas trouver d� ambulanciers �... Ouf !... au moins...�
�� LO (serein) : � Petit dadais que vous �tes ! Je crois tout simplement que notre ami essaie de nous faire comprendre, avec le tact magyar qui le caract�rise, qu�il commence � en avoir l�g�rement assez de nos discussions. Je le soup�onne de ressentir cruellement le manque de pr�sence f�minine...�
�� MIKLOS (Fou furieux ; fait les cent pas en s�arrachant des morceaux de Bali) : �ET QU�IL EN A PAR-DESSUS LA PATATE DE CETTE �LE ! Faut-il �tre fou pour venir ici ! Ils n�avaient qu�� inviter Arno Schmidt lui-m�me si �a les amuse tellement ! Moi, je vous le dis tout de suite, je me d�sabonne ! Lui au moins, il aurait eu de quoi s�occuper : arpenter le lagon en tous sens, chercher un tunnel secret vers l�Antarctique, faire des photos, se construire un mirador pour voir l�Australie et autres foutaises, que sais-je encore ? Mais moi, je ne SUPPORTE pas la solitude, vous comprenez ? J�ai BESOIN de voir des coiffeuses, des caf�s, des cin�mas... Ce qui fait que je d�clare forfait ! Bast ! Stop ! Appelez l�a�roport, LO !�
�� LO : �Sortez vos fesses de l�eau, la petite dame ! On met les bouts !��� PIERRE (Rest� un peu en arri�re) : �... Pouvons-nous vraiment... ? Sont partis comme des grossiers... Bon, petite �le, je vais r�citer une petite chose pan�gyrique de mon ami Herman pour dire au revoir�( S��claircit la voix et se tourne vers l�oc�an) :�D�s qu�il l�a vu une fois, ce Pacifique serein doit �tre la mer pr�f�r�e de tout mage voyageur et m�ditatif. Il roule les eaux les plus centrales du monde. Melville : L�Oc�an des Indes et l�Atlantique ne sont que ses membres. Les m�mes vagues lavent les m�les des villes nouvelles de Californie, plant�es d�hier par la plus r�cente race d�hommes, et lavent les bords fan�s quoique encore splendides des terres asiatiques plus vieilles qu�Abraham ; sur ces vagues se balancent des voies lact�es d��les de corail et les archipels plats, inconnus et innombrables de l�imp�n�trable (�Suis-je un Japonais, Grabi ?�) Japon. Ainsi le Pacifique divin et myst�rieux embrasse toute la masse du monde ; tous les rivages ne sont qu�une seule baie pour lui ; il semble �tre le coeur (� battements de mar�e) de la terre. Soulev� par ses houles �ternelles, vous �tes forc�s de reconna�tre en lui le dieu de toutes les s�ductions. Courbez la t�te devant Pan !�(Pierre sourit, laisse tomber une larme sur le sable, fait une petite r�v�rence, puis, retirant ses tennis, se casse la gueule et galope rejoindre les autres.)��
à suivre