Le 3 février 2002
Alors j'arrête là mes élucubrations et mes questions
qui ne mènent nulle
part. En fait, depuis vendredi, je me suis lancé dans la suite
du travail.
Celle qui consiste à donner forme aux remarques du moment. Je ne
vous
raconte pas encore ce qu'il en est, mais vous serez sans doute déçu.
Je vous
l'ai déjà dis, je travaille avec ce que je trouve sur le
terrain. Or, en ce
moment, ce qu'il y a d¹intéressant, entre Lunebourg et Bleckede,
n'a rien à
voir avec Arno Schmidt. Peut-être que le lien se fera dans quelques
jours
mais, pour l'instant, rien ne rattache la production formelle aux lectures
du mois de janvier.
Cependant, j'ai quelques questions. Elles seront un peu brutes mais prenez
votre temps pour y répondre.
Vous avez lu le texte de Rauschenbach sur Arno Schmidt et le Design.
Et le
passage par UIm, la rencontre désastreuse avec Max Bill (ce qui
ne surprend
personne), ce que Arno Schmidt était censé enseigner. Là,
mes questions (en
effet, je n'ai eu que quelques heures pour feuilleter le texte de
Rauschenbach et, encore une fois, ma compréhension de l'allemand
est très
limitée).
-Pourquoi Schmidt à Ulm ?
-Qu'aurait-il enseigné ? (non pas la discipline mais, à
quoi aurait
ressemblé son enseignement ?)
-Comment aurait-il pu jouer le jeu de ce genre d'école (avec vie
communautaire et implication dans une sorte de Gesamtkunstwerk), avec
l'isolement qu'il semble rechercher et souhaiter au fil des livres ?
-La Hochschuhle für Gestaltung est-elle présente dans le moindre
texte de
Schmidt ? (comme, si je l'ai bien compris, la République des Savants
s'inspire de Darmstadt...)
Je dois l'avouer, cette anecdote me questionne fortement. J'ai l'impression
que l'histoire de Max Bill et celle d'Arno Schmidt, assis tous deux sans
se
dire un mot (ou juste une ou deux insultes) tient du roman. En bref, que
pensez vous de cette partie de la biographie de notre auteur ?
Le 4 février 2002
Alors voilà, un tout petit message, pour vous raconter une anecdote.
Ce
matin, au supermarché, j'achête mon yaourt de d'habitude.
Du yaourt normal
avec des copeaux de chocolat dedans, dans un bocal en verre. Très
bon et
très joli. (Cela est censé être italien (Straciatella)
mais lorsque la
marque du yaourt s'appelle Landliebe, j'ai du mal à y croire).
De retour au
château, je mange mon yaourt. et là, überraschung !
(il faut imaginer la
gueule des Kinder ! les petits enfants qui courent dans la lande après
les
ufs de chocolat et leur uebeur-ra-choungue...) Bon rien à
voir.
Je mange mon yaourt et, au lieu des petits morceaux de chocolat : des
graines de pavot. J'avais oublié ! Ce pays est vraiment un pays
de mangeurs
de graines de pavot. Jusque dans le yaourt... Alors je pense à
Paul Celan,
(mond und gedächtnis) et voilà, fin de l'histoire.
Le 5 février 2002
Hier après midi, dans les rues de Hambourg, en attendant mon train
de nuit
pour Paris, me vient un doute. J'ouvre le dernier message que je vous
ai
écris, et me rends compte que mon doute est plus que fondé.
Hier matin, trop
tôt, en écrivant mon message à propos du pavot, j'ai
fait une superbe
erreur, une coquille digne d'un gamin de collège (en allemand deuxième
langue, assis dans le fond, juste à côté de la fenêtre,
les pieds contre le
radiateur). Oui, j'ai écris Mond au lieu de Mohn et, du coup, toute
ma
petite histoire de petit déjeuner tombe à l'eau. Je passe
pour un naze
(encore un fois !) - et mon moment poétique de la journée
n'est plus qu'un
gag pitoyable. Encore une fois vous vous rendez compte de la piètre
qualité
de mon allemand. Encore une fois, vous voyez comme il est facile d'être
Lost
in the translation. Je vous rappelle donc une petite citation de Ludwig
Wittgenstein qui aide à supporter le sentiment de nullité
que l'on peut
connaître dans ces moments...
649.
(Un jour j'ai dit à quelqu'un < en anglais > que la forme
d'une branche
était caractéristique de l'orme, ce qu'il contestait. Passant
alors devant
un frêne, je lui dis: "Tu vois, voici les branches dont je
t'ai parlé. " Ce
sur quoi lui: " Mais c'est une frêne " - et moi: "
J'ai toujours pensé frêne
en disant orme ".)
649.
(Ich sagte einmal jemandem < auf englisch >, die Form eines bestimmten
Zweiges sei charakteristisch für den Zweig einer Ulme (elm), was
der Andre
bestritt. Wir kamen dann an Eschen vorbei, und ich sagte "Siehst
du, hier
sind die Zweige, von denen ich gesprochen habe". Worauf er: "But
that's an
ash" und ich: "I always ment ash when I said elm.")
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