Thibaut de Ruyter : Lost in the translation.

Extraits de correspondances : Bleckede-Bargfeld-Berlin-Wien-ASLL.

N° 14

 

 

Vienne, le 11 mars 2002

 

Vous allez, encore une fois, me traiter de touriste. D�sol� mais, depuis quatre jours (je dois l�avouer) je le suis totalement. Apr�s avoir quitt� Hambourg sous le crachin et la grisaille, une nuit de train un peu trop climatis� et j�ai trouv� le printemps, � Vienne. Je sais, tout cela va virer en consid�rations m�t�orologiques et autres remarques touristiques (mais quelque personne � Bleckede m�avait d�j� pr�venu, cette ann�e, le printemps aura quinze jours d�avance !). Il ne faut pas g�cher son plaisir. Petit r�cit de ces derniers jours et, au passage, r�ponse � vos deux derniers messages.

 

Jeudi apr�s midi, petite promenade en compagnie de Marie-Madeleine (mon h�te � Vienne) en direction de la maison Wittgenstein. Sur la route (Gumpendorferstrasse, Wienzeile, Karlsplatz, Stadtpark, Landstrasser Hauptstrasse, G�rtnergasse) nous arrivons dans les parages de la Geusaugasse. Un peu par hasard, et la m�t�orologie aidant, nous prenons notre temps et �admirons l�architecture� (Jean-Luc Godard). Nous passons devant la maison habit�e par Robert Musil. Petite pens�e et surprise : il �tait presque voisin de la s�ur de Ludwig Wittgenstein et la maison con�ue par le philosophe s�est construite sous les yeux du romancier ! Encore une fois, la plaque comm�morative est d�une laideur incroyable et d�une utilit� bien relative. (Pourquoi pose-t-on des plaques comm�moratives sur les maisons ? Pourquoi les textes sont toujours du genre : � Ici v�cut Robert Musil, grand romancier autrichien, jusqu�� son exil, n� � Klagenfurt-Carinthie et auteur du c�l�bre roman L�homme sans qualit�s blablabla � ? Est-ce que la maison, de par la pr�sence de la plaque comm�morative, devient un lieu de p�lerinage pour quelques fanatiques ? Est-ce que les touristes, en approchant les habitations des grands �crivains d�funts, re�oivent un certain type d�ondes historiques qui les rendent soudain plus intelligents ? Rien qu�� Bleckede, j�ai trouv� deux plaques et une st�le rappelant l�antique pr�sence de h�ros disparus... Et aussi, je me souviens de la plaque qui, � l�entr�e de la Heiliger Geist Kirche de Joze Plecnick, explique que le b�timent fut construit �nach den genialen Pl�nen des Architekten�). Je ne me lancerais pas maintenant dans cette question mais il y a tout de m�me quelque chose, l�, entre litt�rature et architecture. Simplement, par cette belle premi�re journ�e d�un printemps pr�coce, passer par hasard devant cette habitation me donna le sentiment de me retrouver � Vienne.

 

Difficile d��tre dans cette ville sans passer par la maison Wittgenstein. Toujours aussi peu entretenue par l�ambassade de Bulgarie (les actuels propri�taires), toujours aussi peu loquace et difficile � appr�hender. Un objet, pos� sur son socle, et qui ne dit rien � personne. (Il faudrait proposer � l�ambassade d�en faire une r�sidence d�artiste, fa�on Lande de Lunebourg... mais en plus urbain et �architectural�).

 

Jeudi soir, repas en famille (la s�ur de ma Lebensgef�hrtin et son ami), je pense que je leur prends un peu la t�te � parler tout le temps et � raconter en long, en large, et en travers, les quatre supermarch�s et 6000 habitants de Bleckede. Autre effet de l�isolement dans la campagne nord allemande, je peux devenir un v�ritable moulin � paroles, trop content de trouver une paire d�oreilles o� d�verser quinze jours de silence forc�. Nous parlons (enfin moi surtout...) d�Arno Schmidt et Ferdinand me cite un texte intitul� : � Nous aussi nous voulons profiter d�Arno Schmidt � (je crois que l�auteur est Oswald Wiener, mais je ne suis pas s�r...). Connaissez vous ce texte ?

 

Vendredi. Promenade dans les environs de la Zacherlhaus mais, par un hasard presque volontaire, nous ne passons pas devant. Il fait encore plus beau que jeudi. Boire des Melange au caf� Br�unerhof (histoire de continuer le tourisme � promenade dans les pas des grandes gloires locales...).

Samedi : terrasse ! Presque vingt degr�s et, apr�s, le march� au puces de la Wienzeile (trouv� une horloge Braun 4 915), quelques heures � boire des Kr�gerl � la Palmenhaus du Burggarten... L�, vraiment, plus de maison Wittgenstein ou de plaque comm�morant le passage de Robert Musil, pas le moindre �crivain c�l�bre � l�horizon. (Juste la lecture des journaux : les derniers discours de J�rg Haider o� il attaque, entre autres, l�id�e des panneaux d�orientation bilingues � la fronti�re slov�ne : �Dann w�rde ich einmal fragen, warum wir in Wien noch keine dreisprachigen Ortstafeln haben , wo Tschechen, Ungarn und wos nu alles draufsteht. Aber diese Fragen diskutiert keiner !� (Falter N�10/02) et le proc�s des trois policiers autrichiens qui ont �touff� un Nig�rian avec du ruban adh�sif (Lib�ration n�6474)). Du pur tourisme. Lecture rapide de mon courrier �lectronique et je trouve vos deux derniers messages.

 

Donc, vous voil� rassur�, Vienne n�est plus silencieux mais un peu trop ensoleill� et fain�ant. Et je retiens l�id�e de proposer une intervention � Bargfeld. La seule chose �tant, vous le savez maintenant, que je n�ai pas de r�el projet � leur proposer aujourd�hui (ou alors il faut ressortir la vieille histoire du Vogelscheuche... mais c�est un peu limite tout de m�me). Et il y a aussi la question de l��chelle de tout le projet qui, de plus en plus, m�obs�de. C�est, aujourd�hui, une chose totalement irraisonn�e mais j�ai envie de faire petit. De ne pas aller balancer un truc �norme et incontr�lable mais retrouver la taille et la discr�tion de la maison pour oiseaux de Graz.

 

Dimanche apr�s midi. Il fait trop beau, d�finitivement. Je b�cle le travail. J�abandonne ici ce message et vais m��craser sur une terrasse (KunstHalleCaf�). D�sol�.

 

ps : �ber dem Atlantik befand sich ein barometrisches Minimum; es wanderte ostw�rts, einem �ber Russland lagernden Maximum zu, und verriet noch nicht die Neigung, diesem n�rdlich auszuweichen. Die Isothermen und Isotheren taten ihre Schuldigkeit. Die Lufttemperatur stand in einem ordnungsgem��en Verh�ltnis zur mittleren Jahrestemperatur, zur Temperatur des k�ltesten wie des w�rmsten Monats und zur aperiodischen monatlichen Temperaturschwankung. Der Auf- und Untergang der Sonne, des Mondes, der Lichtwechsel des Mondes, der Venus, des Saturnringes und viele andere bedeutsame Erscheinungen entsprachen ihrer Voraussage in den astronomischen Jahrb�chern. Der Wasserdampf in der Luft hatte seine h�chste Spannkraft, und die Feuchtigkeit der Luft war gering. Mit einem Wort, das das Tats�chliche recht gut bezeichnet, wenn es auch etwas altmodisch ist: Es war ein sch�ner Augusttag des Jahres 1913.

 


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