Graz, le 15 mars 2002
C'est, cette fois, depuis Graz que je vous écris. Une seule
raison à mon
silence : je n'ai vraiment pas eu le temps cette semaine. Je n'invoquerais
pas d'excuse météorologique mais la surcharge de travail
(il n'y a pas que
le tourisme dans la vie !, il y a aussi les visites de bâtiments,
les rendez-
vous, les réunions et les rapports à écrire...).
Je me prépare à rentrer
dans la lande cette nuit et passe mes dernières heures de ce printemps
précoce à boire des apfelsaft spritzer et des verlängeter.
Je réponds aussi
à votre dernier message.
Vous écrivez : " En me promenant en ville tout à
l'heure (je sortais du
MAMCS), je me disais, bon sang, pourquoi veut-il construire quelque chose
(ou laisser trace) au bord de l'Elbe, alors qu'il me semblait qu'il
travaillait sur Arno Schmidt. Donc : pourquoi ne pas intervenir sur le
Eichenkamp à Bargfeld ? ". Je pense en effet laisser une trace
dans les
alentours de Bleckede dans les quinze jours qui viennent (la résidence
se
termine fin mars) pour plusieurs raisons. La première, contractuelle,
est
que je dois laisser une uvre au Landkreis Lüneburg (en échange
des factures
d'eau et d'électricité de mon atelier au Schloß Bleckede).
Habituellement -
je crois en avoir déjà parlé dans un de mes tous
premiers messages - les
peintres laissent un dessin préparatoire ou une petite huile sur
toile...
Ces uvres partent alors habiter les couloirs désertiques
de
l'administration allemande (histoire de donner un peu de couleurs aux
murs
beiges avec plinthe marron et faux plafond blanc en dalles acoustiques
format 60x60). Or, niveau dessin et peinture, ma résidence n'est
pas
véritablement une réussite.
Je ne me vois pas laisser quoi que ce soit à accrocher dans
un de ces
couloirs sordides, mais il y aura bien une trace, histoire de payer mes
dettes.... J'ai une petite idée d'intervention dans la tête
(deuxième
raison) et je m'y colle dès lundi. Juste pour vous mettre en bouche,
je
pense que cela aura à voir avec Tina, l'immortalité et les
Élysées. Je pense
aussi vous l'avoir dit lors de notre première conversation téléphonique
:
Tina est un de mes textes favoris et un de ceux que j'ai le moins consulté
durant les trois derniers mois ! (Je pense d'ailleurs que c'est là
que
réside une de mes erreurs dans toute cette histoire, je n'aurais
dû emporter
qu'un seul livre d'Arno Schmidt avec moi. Pas une collection complète.
Je me
suis perdu dans le corpus, j'ai essayé de l'appréhender
dans sa totalité
mais, pour cela, il me fallait trois ans et non trois mois de résidence...).
Donc, dès lundi, je relis Tina, je vérifie si l'idée
fonctionne et je vous
raconte tout. (Au passage, j'ai cru comprendre que Goethe et l'un de ses
admirateurs est le miroir de Tina (Goethe revenant visiter notre monde)...
À quand la traduction? Pouvez vous m'en dire un peu plus?).
Enfin, j'ai l'impression qu'il me faut faire quelque chose de mes
doigts
pendant les quinze derniers jours. Histoire de tourner la page. Cela ne
veut
pas dire terminer le projet mais passer une étape, clore les trois
mois et
se lancer dans autre chose. C'est une raison un peu
psychologico-personalo-freudienne. Alors je ne m'étends pas. Simplement,
tourner la page ne veut pas dire, pour moi, arrêter là. C'est
plutôt une
première étape qui se finit.
Pour ce qui est de la proposition de faire quelque chose à
Bargfeld, bien
sûr que l'idée me tente. Mais, actuellement, je ne me sens
absolument pas
prêt. Des dizaines d'idées, des choses sur des bouts de papier,
mais rien de
bien sérieux (tout juste des projets d'épouvantail !). Il
y a, selon moi,
deux territoires possibles : le Eichenkamp et le Schauerfeld. Par contre,
je
ne m'imagine pas projeter quoi que ce soit dans le jardin de la (des)
maison(s) d'Arno Schmidt ou chez Wiedenroth ! Que tout reste comme cela
!
Les architectes ont trop souvent tendance à vouloir remplir tout
le
territoire alors qu'ils devraient apprendre à dessiner avec une
gomme...
Pour ce qui est de Bangemann, l'idée est très tentante mais
peut-être un peu
trop alcoolisée... À propos du Eichenkamp, vous souvenez-vous
de la première
phrase que l'on peut lire dans le cd-rom Verloren in der Übersetzung
3 ? Je
pense qu'il y a là matière à projet et une bonne
façon de croiser toutes les
histoires.
Voilà donc ce à quoi je me prépare (et vous aussi)
pour les prochains jours.
Il y a presque trois ans jour pour jour, j'arrivais à Graz pour
une
résidence de trois mois. À la fin de celle-ci, je quittais
la ville avec
regrets, pensant ne jamais plus revenir dans cette ville du fin fond de
l'Autriche. Je mettais un point final à mon travail de résidence
et
m'imaginais revenir en 2015, avec ma petite famille, pour lui montrer
les
lieux de ma jeunesse (bref : un bel été de tourisme autrichien)...
Nous ne
sommes pas en 2015. Je n'ai pas de petite famille. Je ne fais pas de
tourisme. Il en sera de même avec la Lande (même si, sincèrement,
les
conditions météorologiques ne sont pas identiques).
ps : avez vous lu Ferdinand Schmatz ?
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